Jean-Paul Jaud : Dans "Tous cobayes?", le cinéaste accuse OGM et nucléaire d'être tous deux fondés sur le trafic et le mensonge. (photo droits réservés)
« Sud-Ouest ». Après avoir réalisé quantité de retransmissions sportives pour Canal+, voilà des années que vous dénoncez les « poisons de la terre ». Après les pesticides, votre dernier film est consacré aux OGM et au nucléaire. Pourquoi avoir marié les deux ?
Jean-Paul Jaud. Les deux premiers films dénonçaient cette agriculture, dite conventionnelle, qui devrait être baptisée chimique et mortifère. Je travaillais sur « Tous cobayes ? » en suivantles expérimentations du professeur Séralini, (contredites par des agences nationales, ndlr) lesquelles constituent le fil conducteur du film. J'étais donc attaché aux OGM, ces éponges à pesticides, tolérantes à des quantités astronomiques d'herbicides, d'insecticides et de fongicides. On est là au summum de l'empoisonnement…
J'étais plongé dans ces questions lorsqu'est survenue la catastrophe de Fukushima. Il m'a alors semblé évident de réunir ces deux technologies, OGM et nucléaire. Toutes deux sont fondées sur le trafic et le mensonge, elles génèrent les mêmes pathologies, elles sont là pour des siècles, on ne sait pas les maîtriser, elles mettent les écosystèmes en danger et, s'ils disparaissent, l'homme disparaîtra aussi.
Vous avez bien vu que les conclusions de M. Séralini ont été sérieusement remises en cause…
Mais par qui ? Par de fameux académiciens autoproclamés de l'acabit de Claude Allègre ? Justement, le grand intérêt des travaux de Gilles-Éric Séralini (lire sa tribune dans Le Monde), c'est qu'ils vont obliger tout le monde à regarder de près les études ayant permis de mettre ce poison que sont les OGM sur le marché. Au bénéfice de qui ? D'une minuscule minorité de spéculateurs, d'affairistes, que je considère être à la limite du cannibalisme.
Votre film propose des alternatives au nucléaire en s'appuyant principalement sur l'exemple japonais. Mais pour envisager une autre solution, il faut beaucoup de temps…
Sûrement pas. Il convient surtout de dire non tout de suite. J'ai filmé une des plus importantes manifestations du peuple demandant l'arrêt du nucléaire, à Tokyo. Les choses n'ont pas tardé, puisque aujourd'hui il ne reste au Japon que deux réacteurs en fonctionnement, et encore pour satisfaire un contrat de fourniture d'électricité au Vietnam.
La solution, les gens l'ont trouvée naturellement : ils consomment moins d'électricité, l'éclairage public a été réduit, la climatisation également. Et, l'hiver, les habitants mettent des pulls et portent des chaussettes ! Ce qui est préférable aux risques engendrés par le « monstre ». Ce terme, c'est celui qu'emploie le président des paysans de Fukushima, qui ne cesse de répéter que « l'homme a inventé un monstre » : « Le monstre s'est mis en colère, et l'homme ne sait pas arrêter la colère du monstre. »
Dois-je vous rappeler qu'aujourd'hui encore Fukushima n'est pas à l'abri d'une explosion majeure, dont les conséquences seraient 100 fois supérieures à Tchernobyl ?
Recueilli par Patrick Guilloton
-> Jean-Paul Jaud participera à la projection, suivie d'un débat, le 31 octobre à Saint-Georges-de-Didonne, le 12 novembre à Ruffec, le 13 à Barbezieux, le 9 décembre à Biarritz, le 10 à Dax et le 11 à Pau.